Ça fait quelques années que je parle de vouloir faire quelque chose de mieux avec la laine que de la mettre en sac et de la laisser expédier en Chine pour que là-bas de pauvres gens puissent la transformer pour un salaire dérisoire, afin que nous puissions consommer pour pas cher.
Parler c’est bien, mais il faut passer à l’action. Et là, c’est une autre paire de manches. La laine c’est un métier, et même plusieurs. Chaque race de brebis a une laine d’un type différent, il y a les experts lainiers, très peu en France de nos jours, et suivant la laine qu’on trouve sur le dos de sa brebis, son utilisation va être différent.
Dans un troupeau comme le mien, pas très homogène, on trouve des laines différentes. Mais à priori c’est une laine grossière et quand des gens m’ont conseillé de changer de race pour améliorer la qualité lainière de mon troupeau j’ai hurlé. Surtout pas ! J’ai besoin que mes brebis, élevées en plein air intégral, aient une laine grossière sur le dos pour que la pluie ruisselle dessus.
Si je peux arriver à transformer une partie de la laine, ça ne sera jamais qu’un complément de revenu, et encore : pour l’instant c’est un désastre financier.
Pour arriver à un produit fini depuis la laine sur le dos d’un mouton, il y a beaucoup d’étapes, beaucoup de métiers et des gens à payer correctement pour leur travail: d’abord la tonte et le tri, un travail tâcheron et épuisant. Nous le faisons en famille et entre amis, mais cela reste un gros chantier.
Ensuite il faut acheminer la laine vers une usine (loin) où elle peut être lavée, cardée et éventuellement filée. Je travaille avec la filature de Niaux, repris récemment par des jeunes. Avec ma participation je contribue au soutien de cette filature, et de l’équipe qui cherche à trouver son gagne-pain là-dedans.
J’ai donc décidé de me pencher sur la problématique de la laine grossière. Elle a l’avantage d’être solide et imperméable. Malheureusement elle ne fait pas rêver par sa douceur, et je n’ai pas facilement trouvé des artisans qui auraient aimé la travailler.
Le hasard ma fait rencontrer des gens du Mercantour, plus précisément de La Brigue. Là aussi, ils ont une petite race du pays, la brebis brigasque, et j’ai été enchanté de me faire raconter leur aventure, comment ils se sont regroupés entre éleveurs, comment ils ont collectionné leur laine, pour l’envoyer en Sardaigne où ils avaient trouvé une usine, qui leur fabriquait des tapis, comment ils ont pu demander des motifs des peintures rupestres de la vallée des Merveilles. Merveilleux. Je rêve de pouvoir faire pareil dans mon coin. Mais pour ça il me faut une tonne de laine brute, un camion, du temps…….on en est pas là. Ils ont un site internet, Tapis Brigasques, allez-y faire un tour.
Par contre dans ce même village de La Brigue il y a une chapelière : La Fée Capeline. Une personne merveilleuse. Elle est la première artisane qui a accepté de me faire une petite production à revendre : des chapeaux. D’une belle façon, rustiques, imperméables. Elle aussi a un site internet La Fée Capeline
Parallèlement j’ai rencontré Catherine Raccoursier, je ne vais pas redire une personne merveilleuse, même si le terme correspond exactement. Ensemble nous nous sommes attaqués à la laine en nappes, lavée cardée, je l’ai filé grossièrement et elle a tissé des tapis avec.
Au début il était hors question pour moi de faire de l’artisanat. Je trouvais que je n’avais pas le temps, que c’était long fastidieux et inefficace. Petit à petit je me suis vu me transformer en fileuse, mes parents m’ont offert un rouet performant pour le filage du gros fil et je lorgne maintenant vers les métiers à tisser de Catherine, en me disant que finalement j’aimerais bien apprendre à faire des tapis d’un bout à l’autre.
Le fil à ce pouvoir : il nous embobine, il nous fait tisser des liens, d’une rencontre à une autre il y a des projets qui naissent, vraiment c’est une belle aventure !
Donc, bientôt j’ai des produits à vendre!! Des chapeaux, des tapis ou encore de la laine en nappes, lavée et cardée!